Le Bataillon « MINERVOIS » à Carcassonne.
Dès le début, le nouveau Bataillon adopte notre nom et fut, à la date du 15 septembre 1944, constitué par nos deux compagnies du Minervois (L°), une compagnie de Narbonne (3°) et une compagnie de Limoux (4°).
Seules les L° et 4° compagnies atteignaient leur effectif régulier. La 3° compagnie, en formation, était encore provisoirement cantonnée à la caserne Montmorency à Narbonne.
L’encadrement du Bataillon « MINERVOIS » était établi de la manière suivante :
ÉTAT-MAJOR :
Chef de Bataillon ALLAUX
Capitaine Adjudant-Major : Capitaine COUMES
Officier des Détails : Lieutenant SANNUY
Officier de Ravitaillement : Lieutenant LARROQUE
Officier de Transports : Lieutenant DEJOIE
Médecin : Médecin Capitaine TROTSK (ce dernier ne suivant pas le Bataillon au départ).
1° Compagnie : Capitaine PIQUEMAL – Lieutenant REY – S/Lieutenant CIOPANI et MAHOUS – Aspirants DARCHES et ANDRIEU.
Le Lieutenant REY et les deux Aspirants détachés à l’École des Cadres d’Aix, ne devaient plus nous rejoindre.
2° Compagnie : Capitaine GAYRAUD – Aspirant TISSIERES (détaché à Aix).
3° Compagnie : Lieutenant BARRAZA – Aspirant BIRDES.
4° Compagnie : Capitaine AZALBERT – Lieutenant DESFOURS – S/Lieutenants BARRIE et RAYNAUD (ce dernier détaché à Aix).
Dès les premiers jours, malgré un manque flagrant de matériel et d’habillement, le Bataillon se met activement à l’instruction tout en continuant à recevoir de nouveaux engagements.
Cette instruction paraît d’ailleurs assez délicate car beaucoup de Chefs de Section sont issus des FFI et n’ont que des connaissances militaires assez rudimentaires, c’est pour cette raison que certains sont désignés pour participer à un stage à l’école des Cadres d’Aix en Provence qui vient de s’ouvrir.
Par contre, nous avons un gros noyau de Sous-Officiers d’active et, pour ma part, la compagnie du « MINERVOIS » est bien dotée avec l’Adjudant GINESTE, vrai type du vieux briscard aux mille ficelles, et le Sergent-Chef GAYROL, qui a été dressé à l’école du général de LATTRE de TASSIGNY, ce qui veut tout dire. Instructeur d’élite, ses élèves BONNET-BIGOU-BERLIN-BOT-BUIL-ARQUIER etc…deviendront bientôt d’excellents gradés. Le travail est donc profitable.
En même temps le Bataillon assure de nombreuses gardes en ville, et envoie plusieurs patrouilles de contrôle et de surveillance sur les routes. À cet effet, une Section de ma Compagnie (SECTION DARCHE) est même détachée à Trèbes, du 2 au 9 octobre, pour y établir des barrages de contrôle. C’est à ce moment-là que TAHON, le rescapé de Trassanel, vient rejoindre le « MINERVOIS ». En effet, il est seul, sans famille, diminué physiquement et dénué de toutes ressources. Sans lui faire signer d’engagement, nous le prenons avec nous, un peu par charité ; il aura ainsi la vivre et le couvert assurés tant que nous serons à Carcassonne.
Le 9 Octobre, la 3° Compagnie, jusqu’alors cantonnée à Narbonne, vient nous rejoindre à la Caserne LAPERRINE : le Bataillon « MINERVOIS » est ainsi groupé pour la première fois, et le commandant ALLAUX peut établir un plan de travail général. Peu de jours suffisent pour lier connaissance entre nous ; les Officiers et Sous-Officiers forment un tout compact où chacun sait apprécier ses camarades. Constamment auprès de leurs hommes, ils savent se faire aimer d’eux (à part de rares exceptions) et le Bataillon « MINERVOIS » en entier n’est plus qu’un bloc homogène où règnent la camaraderie et la bonne humeur.
Le 30 Octobre survient un petit incident qui prouve que nos ennemis de l’intérieur n’ont pas désarmé : un détachement ayant été rendre les honneurs à l’occasion de la sépulture d’un FFI à Lézignan la Cèbe (Hérault) il essuies, à son retour, plusieurs coups de feu, aux environs de La Redorte. Le soldat MARIS de la 4° compagnie est blessé, la propriétaire d’un camion civil, passant sur ces entrefaites, tué. le Bataillon ayant été immédiatement alerté, je partis avec une section et patrouillai sur les lieux, rejoint peu après par le commandant ALLAUX et plusieurs officiers, nous rentrâmes au petit jour sans avoir obtenu de résultats.
Enfin le 1er novembre est lieu à Carcassonne, à la mémoire des morts de la résistance, notre premier défilé en ville, qui fut très applaudi, et impressionna favorablement la population. Pour la première fois aussi, le Bataillon entonna dans les rues de la ville « la Chanson du Bataillon Minervois » que j’avais composée quelques jours auparavant à la demande du Colonel BOUSQUET, qui voulait toujours que son cher « MINERVOIS » soit à la pointe des innovations.

Cependant, le 15 Novembre, un détachement de renfort commandé par le Lieutenant TRILLES, nous rejoint, venant de Narbonne. Au cours d’une prise d’armes de la Compagnie à Rieux, le Lieutenant-Colonel BOUSQUET me remit le fanion qui devait être celui de la Compagnie, et qu’il avait fait confectionner par Madame GARCIA, veuve d’un de nos camarades tombé en cours du sanglant combat de Rieux.
Ce fanion incarnait toutes nos inspirations : sur un côté était brodé la glorieuse croix de Lorraine, et sur l’autre ce simple mot : MINERVOIS. Je le reçus avec une profonde émotion et m’engageai pour tous mes hommes, à le conserver avec honneur jusqu’au jour de la victoire finale. Il est resté pour moi une relique profondément vénérée qui ne voit le jour qu’une fois par an, à l’occasion de notre rassemblement traditionnel.
Le 10 Décembre, nous apprenons que notre Régiment est formé; le 1° Régiment de l’Aude. Comme le nôtre, les autres Bataillons, entièrement FFI sont issus de maquis. Ce sont le Bataillon MYRIEL, devenu 3° Bataillon, et le Bataillon PICAUSSEL, 1° Bataillon. Le Bataillon « MINERVOIS » devient donc 2° Bataillon, et ses compagnies sont dans l’ordre : les 5, 6, 7 et 8° Compagnies. Le Régiment lui-même change de nom : héritier de lourdes traditions de gloire et d’honneur, il devient le 81° RI commandé par un pilier de la Résistance, le Colonel de CHAMBRUN, ayant pour second notre Lieutenant-Colonel BOUSQUET, qui se dépense sans compter.
Le 21 Décembre 1944, au cours d’une majestueuse prise d’armes devant le Monument aux Morts de Carcassonne, le Colonel ZELLER, Commandant la 16° Région, remet au Colonel de CHAMBRUN, la glorieux Drapeau du 81° RI.
Et ces préparatifs, ces cérémonies, augmentent notre fièvre car, depuis plusieurs jours déjà, il est question de départ. Les hommes sont sur des charbons, l’un d’eux, le Caporal ORTEGA, vieux maquisard, qui bégaye un peu me lance à brule pourpoint. « Mon Capitaine, c’est pour nous promener dans la rue de la Gare, que nous nous sommes engagés ? ».
Je souris à cette question (tout heureux d’ailleurs) et, avec une tape sur l’épaule, je lui réponds : « Non, mon vieux, cela va finir, et nous allons sous peu entreprendre une plus longue promenade ! »
Oui, vraiment, quand partons-nous? notre tâche, nous en sommes persuadés, n’est plus à Carcassonne. Pourtant, je rencontre un jour, Place de la Poste, une personnalité politique qui me dit « alors vous partez ! »
Oui. Je crois que c’est du peu !
Et bien, vous avez tort ! Si vous partez d’ici, d’autres vont en profiter !
C’est très possible, mais « nous » ceux du MINERVOIS nous nous f… …moquons de la politique ! »
Cependant, entre camarades, nous faisons des pronostics; le Lieutenant JOLY, toujours pince sans rire, nous affirme que notre veillée « traditionnellement familiale » de Noël se passera dans le train…il devait avoir raison, le 22 décembre les ordres arrivent et se précipitent. Comme d’habitude, tout alors, devait être exécuté à la minute. Détachement précurseur prêt à partir immédiatement (ici, j’ai pu me rendre compte de la « débrouillardise » de plusieurs de mes hommes, en particulier des chauffeurs VIDAL Vincent et VANACLOY) le Bataillon fera mouvement le 24 en direction de Vesoul.
Déjà, cependant, dans la nuit du 22 au 23, nous réussissons à embarquer le petit matériel.
Enfin, le jour tant attendu est arrivé…
L’enthousiasme se lit sur tous les visages….