LE MAQUIS DE TRASSANEL

Le maquis de Trassanel fut formé pour la première fois en avril 1942. Il était composé de sept hommes (spécialistes qui avaient refusé de partir en Allemagne), logés dans la commune de Bagnoles, où ils restèrent huit mois.

Le nombre des membres grossissant, le maquis rejoignit en octobre 1942 les grottes de Trassanel. Le moment de l’action n’étaient pas encore venus et le maquis, pour ne pas attirer l’attention, rayonnait sur toute la Montagne Noire (Castans, Pujol de Bosc, Pradelles…).

En 1943, au moment de la relève, le maquis grossit. Il comptait vingt-six hommes, mal armés (vieux Mausers de 1914-18, revolvers).

Au début de 1944, des officiers d’active s’y joignirent et en firent une formation militaire. Cependant, les armes manquaient toujours, on attendait les parachutages.

Le 18 avril 1944, le maquis fut averti par les gendarmes de Peyriac et par notre réseau particulier de renseignements que l’agent ROBERT de Lastours, avait eu une discussion avec la Gestapo et qu’une opération contre le maquis se préparait. Réunion des chefs du maquis : il fut décidé d’opérer une retraite stratégique, étant donné qu’il était impossible de songer à la défense contre une compagnie allemande. Le maquis monta au col de Salettes, d’où il rejoignit le maquis de Laprade (Tarn).

Le 22 avril, la Gestapo opère, bloque Trassanel, arrête AGNEL, à Villeneuve-Minervois, DURAND est arrêté, plusieurs personnes sont arrêtées ensuite à Fournes. Après un interrogatoire serré, sur place, AGNEL fut pendu et fusillé. DURAND fut relâché et trois personnes de Fournes déportées : BUSQUE, COMBRIÉ et PUJOL. COMBRIÉ et BUSQUE sont morts dans les bagnes allemands.

En juin 1944, les groupes sédentaires (AS) étant formés dans chaque village, deux parachutages étant arrivés, les ordres se succédant, nous décidons de reformer le maquis dans les grottes de Trassanel. Le groupe sédentaire de Conques attaque la gendarmerie de ce canton, prend les armes et forme l’ossature du nouveau maquis de Trassanel sous le commandement d’ARMAGNAC. Le nombre des maquisards augmente, il s’élève à 83 à ce moment.

À une conférence, BRINGER (Myriel), RAYNAUD (Rollet) et ARMAGNAC (Arnal) décident que Trassanel n’étant pas un point stratégique suffisant, le maquis se transportera à Labastide-Esparbairenque, d’où il contrôlera la grand’ route de Carcassonne à Mazamet. Les sabotages commencent sur toute la ligne (téléphones, voies ferrées…).

Les allemands, inquiets, opèrent une attaque contre les divers maquis de la Montagne Noire.

Le 5 août, le maquis ARMAGNAC est attaqué à la ferme de Laribaud (commune de Labastide-Esparbairenque), par l’aviation et une compagnie SS. Après une défense énergique, il rompt le combat et, en ordre, se replie sur les grottes de Trassanel où il arrive le 7 août au soir.

Les allemands n’ont pas perdu le contact. Ils réussissent à prendre l’arrière-garde du maquis à la ferme du Picarot (commune de Pradelles). De là se développe l’attaque contre les grottes de Trassanel, qui a lieu le 8 août 1944.

L’attaque a lieu à 16 heures. Nos hommes, fatigués par une rude marche et portant 70 kilos en moyenne sur le dos (munitions, ravitaillement), étaient complètement exténués. Les sentinelles furent prises sans coup férir. À ce moment, un russe qui avait été pris avec l’arrière-garde et avait réussi à fausser compagnie à ses gardiens, arrive à la grotte où il donne l’alarme. Après un conseil de guerre, les chefs de groupe décidèrent de prendre leurs dispositions de bataille et sortirent pour occuper les hauteurs. Il était trop tard.

Aussitôt que nos hommes se trouvèrent sur une pente en glacis face à la grotte, le feu des armes automatiques allemandes se déclencha. Deux fusils mitrailleurs furent placés par les maquisards faisant quelques ravages dans les rangs ennemis. Après une lutte d’une heure, et la partie étant perdue, nos hommes se dispersèrent.

14 avaient été tués en combat. 27 faits prisonniers furent ramenés à Trassanel. Après une halte, ils furent amenés à deux cents mètres du village, placés en groupe et fusillés. 5 réussirent à échapper avant l’exécution et quoique blessés réussirent à arriver à Salsigne, à Conques et à Villeneuve. 2 tombèrent parmi les morts, reçurent le coup de grâce, mais ne furent que blessés superficiellement : BOUISSET de Conques et Henri THAON de Roubaix. Sur les 83 hommes du maquis, 43 furent tués, car l’arrière garde, prise dès l’abord, fut fusillé dans le ruisseau de la Grave.

Ce maquis se reforma le 17 août à Villeneuve-Minervois, sous mon commandement. Là il fut rejoint par le maquis de Citou et par toutes les forces AS de la région.

Ce fut la force ainsi constituée qui, dans le Minervois, accrocha avec énergie les colonnes allemandes en retraite, notamment dans les combats du 19, 20 et 21 août 1944 à Villeneuve-Minervois où une colonne de 2.000 allemands fut surprise et subit de très lourdes pertes.

Puis vint le combat du col de Salettes, où le chef de maquis VIGNON fut tué à l’attaque de la colonne. Il y eut 7 allemands tués, 11 prisonniers (22 août 1944).

Cette même formation attaqua deux colonnes allemandes sur la route Puichéric-Olonzac, causant des pertes aux allemands et délivrant 19 otages.

Le 24 août eut lieu le combat de Rieux contre 4.000 mongols. Nos hommes faisant de la guérilla causèrent de nombreuses pertes aux allemands, mais furent obligés de rompre le combat devant la supériorité ennemie. Nous avions à déplorer 4 morts du maquis, plusieurs civils de Rieux furent tués.

Ce corps d’élite forme l’ossature du 81e R.I. avec ses chefs colonel BOUSQUET, PIQUEMAL, REY, BARTHAS.

 

Témoignages de Mr Raynaud (Rollet) de Villeneuve Minervois (23/04/1948)

Source : AD11 89W185