LES MARTYRS DE TRASSANEL
Beaucoup de Carcassonnais et surtout beaucoup d’Audois de la Région du Minervois ont connu la tragique épopée du Maquis Armagnac. C’était le mardi 8 Août le Maquis attaqué depuis le 5 par des troupes supérieures en nombre et accompagnées de chars d’assauts, n’avaient pu livrer le combat et avait décidé de se replier par étapes successives sur le Maquis de Citou. C’est au cours de la 3ème étape alors que nos gars du Maquis épuisés par une marche pénible, ou, mal chaussés, mal ravitaillés et chargés du matériel indispensable qu’ils avaient pu emporter furent vendus par un traître, un de ceux dont l’attitude ne saurait jamais être apprécié à sa juste valeur dans l’esprit des humains dans l’histoire même de l’humanité.
Le soir du 7 août, le Maquis Armagnac arrive aux Grottes de Trassanel où il devait passer la nuit et repartir au matin. Une arrière garde avait été laissée à l’étape précédente, au Picarot, elle se composait de neufs hommes. Le mardi 8 à midi ces neuf hommes n’avaient pas encore rejoint. Pendant la nuit un homme, un lieutenant était parti prévenir les boches. Ils avaient déjà fait prisonniers les hommes du Picarot, ce fait fut vérifié par un groupe de russes qui combattaient avec nos valeureux FFI et qui furent envoyés en estafette et qui revinrent porteurs de cette nouvelle. Aussitôt, on décide de partir souffrant le martyr dans des chaussures éculées et l’estomac creux. Mais les boches savaient aussi leur destination future, l’œuvre de trahison était bien faite. Dès qu’ils eurent quittés les zones boisées, les boches placés sur les hauteurs ouvrirent le feu et les arrosèrent de grenades. Nos vaillants soldats ripostent mais la situation est intenable. Ils sont encerclés et déplorent déjà quinze morts. Il faut se rendre. La lutte est trop inégale, les blessés hurlent, peut-être pourra-t-on éviter le carnage. Mais c’est mal connaître la brute germanique qui sur place achève d’une balle dans la nuque les blessés incapables de marcher. Les autres sont amenés avec le matériel et l’armement jusqu’au point de départ. Long calvaire pour tous, les blessés comprenant leur triste sort, font taire leur souffrance. Les autres la rage au cœur les aident, espérant encore être traités en Soldats, car tous ont un brassard ce sont tous des FFI, ce sont tous de courageux soldats de la libération, de cette libération qu’ils n’auront pu voir mais pour laquelle ils ont combattu. Arrivés devant la grotte, où encore se trouve les traces de leur passage, de leur séjour en hommes libres et avides de liberté, les boches les séparent. Les blessés au nombre de 17 dont l’héroïque Armagnac sont laissés sur place. Les valides chargés de l’armement et du matériel sont amenés à Trassanel. Ils n’ont pas fait 100 mètres des rafales de mitraillettes crépitent, tous ont compris et baissent la tête les larmes aux yeux. Le lendemain, on a retrouvé devant la grotte, 17 cadavres dont Armagnac encore vivant mais complètement exsangue, la vie est partie face au ciel de son Pays, Armagnac couché côte à côte avec ses frères d’armes, les yeux fixes regardent sans voir le beau ciel du Minervois qu’il aimait tant.
Les indemnes ne connurent pas un meilleur sort, le boche est prudent, personne ne doit pouvoir raconter leurs atrocités.
Soi-disant amenés à Villeneuve, après avoir bu un quart d’eau au village de Trassanel et les armes ayant été déposées les rescapés se mettent en route. Toutefois, trois otages sont laissés à Trassanel, parmi eux un traître mais si on a pas des nouvelles des deux autres, celui-ci son sort est réglé puisque la prison de Carcassonne l’abrite en ce moment. Sur la route de Villeneuve les malheureux prisonniers au nombre de 23 marchent vers l’inconnu, qu’hélas ils ne seront pas longs à connaître. Arrivés devant un petit chemin les boches se concertent et les font mettre en tas devant un petit mur où l’officier sans préparation ni hésitations leur dit » Maintenant s’est fini, faites vos prières « . Aussitôt un fusil mitrailleur ouvre le feu sur eux en même temps que des mitraillettes. Trois d’entre eux ont bondi et sauté le mur, s’enfuient à travers vignes. Ils sont blessés mais réussirent à s’enfuir? Le lendemain des soins leur furent donnés, ceux-là ils ne les ont pas eu. Mais parmi les malheureux fusillés, il en est un qui, au milieu du groupe, n’a été encore atteint. BOUISSET couché par la déflagration se trouve sous trois ou quatre morts, les boches exaspérés de la fuite des trois autres tirent dans le tas, le sang gicle, les balles ricochent, les morts eux-mêmes sont déplacés par la force des balles explosives, les boches, avides de sang tirent toujours ; BOUISSET reçoit une balle au bras qui lui fait éclater l’humérus et le biceps puis l’affreuse tuerie cesse. Après s’être concertés, un boche s’approche et donne le coup de grâce, peine inutile pour tous, le destin seul avait protégé BOUISSET. A demi évanoui, il sent le canon froid du pistolet s’appuyer sur sa nuque, le coup part, plus rien. Il fait nuit, le silence est tombé sur ce champ de mort que la pluie fine et pénétrante commence de laver. Les boches sont partis, les morts dit-on ne se relèvent pas ; pourtant du tas informe, un corps remue et péniblement se lève, puis retombe, c’est BOUISSET. La balle par miracle n’a pas atteint de centres vitaux rentrée derrière l’oreille et ressortie devant la tempe, BOUISSET à genoux, souffre le martyre, marche vers la vigne ou épuisé il s’évanouit, la pluie, le froid, la souffrance le tirent de cette demi-mort où il est plongé. Couché dans la vigne il mange des raisins, ce n’est que le lendemain matin vers 10 heures qu’une femme et un enfant après avoir vu les cadavres sanglants, l’aperçoivent, le font soigner, lui apportent une boisson chaude et le portent dans une cabane à quelques mètres. C’est là que le soir le Capitaine RAYNAUD viendra le prendre et que les premiers soins lui seront donnés. Nous ne terminerons pas cette histoire héroïque page de l’histoire du plus malheureux de nos maquis sans parler des chirurgiens de Carcassonne et ceux qui les accompagnèrent auprès des blessés de Trassanel, au nez et à la barbe des boches qui pourtant faisaient bonne garde.
Evadés du peloton d’exécution : Amor AMAR (Conques) Pierre GONZALES, Henri VIDAL (Salsigne), Marcel VALERO (Douzens), Louis BOUISSET (Conques), Henri THAON (Roubaix).
Source : AD11 89W185