Le Bataillon « MINERVOIS » en Alsace.

 

Au jour du départ, l’ordre du bataille ayant été modifié, il convient de signaler les changements suivants :

Le Lieutenant LOVICKY, nouvellement venu, est Officier Adjoint au chef de Bataillon ;

Le Capitaine GAYRAUD prend le commandement de la Compagnie de Bataillon.

Le Lieutenant TRILLES prend le commandement de la 6° Cie. A la 7° (Lieutenant BARAZZA) sont affectés les Lieutenants JULIEN et GUGLIETA.

 

Le 23 décembre 1944, à 11h00, le Bataillon embarque en gare de Carcassonne et, ici, je dois signaler un trait d’héroïsme de l’un des nôtres : au cours de l’embarquement, notre rame, sans que nous soyons prévenus, fait un mouvement en avant, un de mes hommes, montant à ce moment dans un wagon, glisse et tombe, entre le quai et la voie (50 cm environ). Pendant que les témoins de l’accident hurlent pour que la rame s’arrête, mon jeune « cuistot » SORLI se précipite, se glisse entre les tampons de deux wagons en marche, se laisse tomber doucement sur la voie et, allongé entre les rails, pendant que le lourd convoi roule lentement sur sa tête, maintient et repousse avec son bras, entre les roues qui se succèdent, son camarade contre le quai. Ouf, nous avons tous eu chaud ! Seul, le petit SORLI (il n’a pas 19 ans) ne partage pas l’enthousiasme général : c’est pour lui tout naturel !

Le déplacement doit se faire sous les ordres du Lieutenant-Colonel BOUSQUET. A 13h00, retentit la sonnerie : EN AVANT! Le convoi s’ébranle au milieu des cris d’allégresse et, évidemment, nous entonnons tous le chant du Bataillon « MINERVOIS » ….. En route pour l’Allemagne. ..Sur le quai d’embarquement une multitude de mouchoirs s’agitent : au revoir ! au revoir ! sois prudent….. Des yeux pleurent…..

Nous nous installons de notre mieux, à l’étroit dans notre wagon, et nous avons l’agréable surprise, à notre départ, de faire la connaissance de Mlle Renée DESPAS jeune belge qui va devenir l’assistante sociale du Bataillon Minervois. Notre départ a donc lieu sous les plus heureux auspices, et la joie règne dans tous les wagons, d’un bout à l’autre du convoi. Notre compartiment a vu la fusion des cadres de la 5° et 8° Mon camarade le Capitaine AZALBERT pense tout ému, à son petit Jean-Paul et je lui parle de mon Robert qui à 3 ans. Cela nous réconforte tous deux également… A Dieu vat !…..

Nous traversons Narbonne, Béziers, Montpellier, Nîmes et, après une halte à Remoulins, atteignons Le Teil avec la neige et un froid très vif. Mon neveu Louis et un de ses camarades ont cru avoir la bonne aubaine en s’installant dans notre voiture de liaison, sur une plateforme. Ils ont changé d’avis et, frigorifiés, vont rejoindre un autre wagon, plus abrité.

Le 24 Décembre, trois wagons du convoi ayant déraillé pour une cause inconnu (sans aucun accident) nous sommes stoppés pendant plusieurs heures à Lozanne. Enfin nous repartons, notre voyage se poursuit sans incident, et il m’est agréable de signaler l’accueil qui nous a été réservé à la petite gare de Lamure-sur-Azergues, où de charmantes jeunes filles apportèrent à tous nos hommes de la soupe chaude et du vin. Aussi, de tous les wagons, c’est une ovation spontanée qui les salue quand le train s’ébranle.

Après Paray-le-Monial, Montceau-les-Mines, Montchanin, Beaune, nous atteignons Dijon dans la nuit.

Mais au fait… cette nuit est la nuit de Noël, et le Lieutenant JOLY a eu raison dans son pronostic. Des chants retentissent dans tous les wagons, les sacs sont ouverts, et des ressources culinaires aussi abondantes que variées (nos familles ont prévu peut-être cela) nous permettent de préparer un réveillon qui, s’il n’est pas très confortable (le manque de place est assez gênant) n’en est pas moins joyeux.

Mais au fait… cette nuit est la nuit de Noël, et le Lieutenant JOLY a eu raison dans son pronostic. Des chants retentissent dans tous les wagons, les sacs sont ouverts, et des ressources culinaires aussi abondantes que variées (nos familles ont prévu peut-être cela) nous permettent de préparer un réveillon qui, s’il n’est pas très confortable (le manque de place est assez gênant) n’en est pas moins joyeux.

0h00, dans notre compartiment, une voix s’élève, quelqu’un chante :

« MINUIT, CHRÉTIEN………… ».

Oh, pardon, l’air que j’entends est bien celui du célèbre Noël, mais les paroles en ont été modifiées. Et dans le plus grand silence quelqu’un chante :

« MAIS CETTE NUIT NOUS APPORTE UN EMBLEME,

UNE MASCOTTE, UN SYMBOLE, UN ESPOIR,

CE RÉVEILLON, POUR NOUS EST UN BAPTÊME

QUE NOUS FETONS EN ROULANT DANS LE NOIR.

LOIN DU PAYS, DANS CETTE NUIT EXQUISE

C’EST POUR TOI SEULE QUE S’ÉLÈVE MA VOIX !

AU NOM DE TOUS, VOIS-TU, JE TE BAPTISE :

 » …………NOELLE, NOELLE,

 » …………NOELLE DU MINERVOIS…..

 » …………NOELLE, NOELLE,

 » …………NOELLE DU MINERVOIS….. ».

Et oui ! c’est bien un baptême que nous célébrons dans notre train, notre assistante sociale réclamant à cor et à cri, depuis notre départ, un nom de guerre « ronflant » (et dieu sait si elle est entêtée) on a pensé à l’imagination de l’auteur de notre chanson de marche, et mes camarades m’ont chargé (peut-être pour avoir la paix !) de trouver ce nom. Je me suis isolé, si l’on peut dire, dans mon coin et j’ai réfléchi à cela.

La nuit de Noël m’a donné le prénom rêvé, et le nom du Minervois, toujours près de mes lèvres, a fait le reste. J’ai griffonné, à la hâte, une parodie du chant de Noël, et le tour est joué ! En l’adoptant du Bataillon, je la baptise au milieu des rires en présence du Commandant ALLAUX, dont le caractère jeune nous a conquis. Des bouteilles de Blanquette de Limoux apparaissent (AZALBERT a des ressources inépuisables) les quarts et les timbales se lèvent : Mlle Renée DESPAS s’appellera désormais « NOELLE DU MINERVOIS » et c’est uniquement dans ce nom que tous la connaitrons. Dès ce moment elle est des nôtres, et c’est un nouveau camarade qui nous est arrivé ; j’en suis évidemment le parrain et le Lieutenant JOLY la marraine. Le tutoiement est devenu obligatoire entre nous. Mais les yeux se ferment ; nous rangeons tout dans nos sacs. Le Capitaine AZALBERT ne retrouve plus quelques boîtes de sardines figurant, comme je peux le constater, sur l’inventaire établi (avec quel soin !) avant le départ. Le mystère ne s’éclaircira (pour moi seulement) que beaucoup plus tard, c’est mon Adjudant de Compagnie le Sallèlois GINESTE, notre vétéran, qui les a subtilisées en prévision des restrictions futures.

Avec lui d’ailleurs, à la tête d’une équipe qu’il forme à sa manière (j’ai souvent vu les mêmes, le Caporal-Chef CHIFFRE, ESPLANDIEU, SANTOUL, AZALBERT, GAZEL dit GALEMUS, LAFITTE, sans compter les « cuistots » ROUGE, HURTADO, TENA) avec des zèbres pareils, la question du ravitaillement de la Compagnie a toujours été résolue, surtout en Allemagne d’autant plus qu’à ce moment-là le Sergent BAUZOU nous arriva de la 6° Compagnie et GINESTE trouva en lui un adjoint d’élite.

Le convoi roule toujours ; la nuit s’écoule et, à 8h30 nous arrivons à Pontarlier. Il paraît que notre point de débarquement approche : c’est Mamirolle, mais nous ne l’atteindrons qu’à 14h00. Ce débarquement se fait en ordre, nous sommes fatigués, nous avons froid, mais le moral des hommes est excellent.

Enfin nous arrivons à nos cantonnements, dont la répartition est la suivante :

L’État-Major et la CB s’installent à Bouclans

La 5° Compagnie à Osse

La 6° Compagnie à Champlive

La 7° Compagnie à Ambre, puis Nancray

La 8° Compagnie à Vauchamps

L’installation terminée, l’instruction reprend dès le 28 décembre Nos cantonnements sont assez confortables, les habitants du DOUBS sont très accueillants et les lièvres abondent dans la région, ce qui nous permet d’améliorer notre ordinaire. La journée du 1er de l’an bien que passée loin de nos familles n’en est pas moins joyeuse ; à Osse en particulier où je me trouve avec ma Compagnie, les jeunes filles du village ont préparé de succulentes pâtisseries qu’elles offrent gentiment, il y a une grosse part pour chaque soldat et comme on s’en doute, les baisers de remerciements ne manquent pas, le jeune soldat TAILHAN est l’un des héros de cette petite fête.

A l’heure du repas les clairons GAREL et BANDINELLI (pas le grand, mais GOERINO pour les amis) ont beau s’égosiller et les cuistots se désespérer, la roulante doit chômer car, par groupes de 7 ou 8, tous les hommes ont été invités à partager le repas des habitants, et la fête du 1er janvier se passe ainsi au milieu d’une seconde famille, très attentive à nos besoins.

Enfin, voici venir un début d’habillement, le 5 janvier nous recevons des tenues de l’ancien 1er Régiment de France, et les hommes deviennent présentables. Ils en ont besoin, mais l’armement est encore de vieux modèle et très disparate, c’est ce qui nous désespère. Malgré tout, nous n’avons tous qu’un seul désir, c’est de partir pour la vraie bataille.

A ce moment, le Bataillon doit fournir des cadres en renfort à la 9° Division d’Infanterie Coloniale et la 5° Compagnie voit partir avec regret l’Adjudant CAYROL et le Sergent VENTRESQUE, qui ne nous rejoindront que plus tard.

Mais notre désir devait être bientôt satisfait, le 9 janvier nous recevions en effet notre ordre de départ pour l’Alsace. Des camions de la 1e Armée arrivent, le matériel est arrivé dans la nuit du 9 au 10, le personnel embarque à son tour et, le 10 janvier à 8h00, la colonne de camions quitte Bouclans où nous nous étions regroupés. Il neige, il fait très froid (d’ailleurs à l’arrivée le jeune GALLY Christian eut des gelures aux pieds).

Nous traversons Belfort, Altkirch, Stetten, et allons débarquer près de Magstatt-le-Bas, où nous trouvons des cantonnements très médiocres. Le Régiment, en réserve de Corps d’Armée, doit relever un Bataillon du 6e Régiment de Tirailleurs Marocains. Nous nous installons et entreprenons, malgré un temps très rigoureux auquel nous ne sommes pas habitués, des travaux de défense. Mais nous ne sommes là que pour peu de temps, en effet le 13 janvier, nous apprenons que nous devons relever le 3° Bataillon de la Brigade Légère du Languedoc (tiens, des compatriotes) devant Niffer. Le Commandant ALLAUX va procéder à une première reconnaissance.

Pour être plus rapprochés du lieu de la relève, le 15 janvier nous allons cantonner à Geispitzen et Schlierbach et le 16, les commandants de Compagnie vont, avec le Chef de Bataillon, reconnaître le secteur. J’ai l’impression, partagée d’ailleurs par le Commandant ALLAUX, que beaucoup de modifications sont à apporter au système de défense adopté par nos prédécesseurs qui, certainement, n’ont pas eu le temps de s’organiser, en pleine forêt de la Hardt.

Le 19 janvier, nous première relève s’effectue dans le calme, avec une grande discipline, et nous sommes très satisfaits de la tenue de nos hommes. Notre système de défense est constitué par une ligne de points d’appuis (PA), que nous avons dénommés : PA0, PA1, PA2, PA3, PA4, PA5.

Dès la première nuit, d’ailleurs, ce dernier point d’appui inaugure la séance en recevant quelques obus de 88, et une patrouille ennemie vigoureusement repoussée laisse quelques plumes sur le terrain. Probablement au courant de la relève, ils avaient voulu sans doute « tâter le terrain ».

Les fridolins sont d’ailleurs tout près de nous puisqu’ils sont sur la rive est du canal du Rhône au Rhin, à une trentaine de mètres devant nous, séparés seulement par quelques barbelés ; c’est dire que les échanges de politesse, soit au fusil soit même à la grenade, ne manquent pas d’une rive à l’autre. Mais nos petits gars du MINERVOIS se montrent à la hauteur.

Je ne peux ici raconter ce que fût la vie dans ces PA Mais je peux tout de meme narrer quelques petites histoires des PA tenus par ma compagnie (la 5°).

PA0 – Effectif 1 section commandée par le Lieutenant CIOPPANI.

PA1 – 1 section Adjudant GINESTE.

PA2 – 1 section plus un groupe de combat, 1 Groupe de Mitrailleuses (Sergent MOURLAN) commandée par l’Adjudant CAYROL.

L’Adjudant CAYROL et le Sergent VENTRESQUE venaient de nous rejoindre après avoir participé à l’attaque de la poche de Colmar avec la 9° DIC.

Les terriers de lapins sont nombreux autour des PA. Quand le calme règne, pendant le jour, les braconniers gagnent le couvert et partent en expédition pour revenir avec quelques lapins, parfois un lièvre. Ou meme une biche, les repas sont alors très joyeux. Mais dès que la nuit tombe, le silence règne, chacun à son poste, écoute les bruits de la forêt, prêt à riposter à la première attaque. Les téléphonistes sont à leur appareil.

« ALLO, BOLIDE?…..ici TEMPETE. Passez-moi BOLIDE lui-même… et en vitesse ! »

Au centre de mon PC, je prends le micro des mains de mon téléphoniste de garde : « ALLO, TEMPETE?…. ici BOLIDE lui-même….qu’y-a-t-il ?

Allo, bonsoir mon Capitaine…je vous signale que nous venons de recevoir quelques obus de 88 sur la G….je crois qu’ils sont tirés par une pièce portée, car nous avons nettement entendu un bruit de moteur en 63/64 environ.

Bon, merci mon vieux ! Je vais faire le nécessaire, faites planquer vos hommes ».

Par un nouveau coup de téléphone, j’alerte le PC du Bataillon et, quelques secondes après, des sifflements se succèdent au-dessus de notre cagna, ce sont les obus de nos mortiers de 81 mm qui sur l’autre rive, vont faire taire l’aboyeur.

La nuit passée, tout rentre dans l’ordre; je mets le nez dehors, la neige est toujours là, collante, poisseuse, et nos bottes de tranchées pataugent dans les flaques glacées. Un nuage de fumée sort, comme d’une cheminée d’usine par l’ouverture d’une cagna voisine. Je m’approche inquiet, et, le mouchoir sur les yeux, j’appelle : « Eh là ! y a-t-il le feu ? »

Une voix caverneuse, semblant venir de l’au-delà répond : « Voilà ! voilà ! » Et je vois apparaître, tel Satan dans son royaume, soufflant, crachant, pleurant, notre toubib, ce brave SADEC, qui, très frileux, préfère étouffer dans son trou plutôt que de respirer l’air très vif du matin, qui pique aux oreilles.

Mais, de gré ou de force, je l’amène dans ma visite des PA où nous allons voir nos hommes, nous renseigner sur place, et recueillir souvent des précisions très importantes sur les événements de la nuit.

Dans la journée du 20 janvier, nous apprenons avec stupeur que le Commandant ALLAUX a été blessé; c’est presque un désastre pour nous, et les hommes sont atterrés. Mais un coup de téléphone du PC nous renseigne, la blessure de notre chef de Bataillon est légère, il ne quitte pas son poste et garde toujours sa bonne humeur. Mais, dans la même journée, le Caporal DAUVERGNE et le soldat TAULEYGNE, de la 8° Compagnie, sont blessés et évacués.

Les patrouilles, chaque nuit se succèdent, dans le jour, ce sont des obus de 88 qui nous arrosent un peu. Ainsi, le 24 janvier, le soldat LIZARDE, de la 7° Compagnie est tué, le Sergent DONATE blessé. Le soir meme un nouveau blessé au PC du Bataillon, le soldat MARTINEZ. Le lendemain c’est MONIE de la 8° qui est atteint par une grenade.

De jour et de nuit nous sommes « asticotés » nos mortiers font de la bonne besogne, nous avons une équipe de fer, le Caporal-Chef LECLAIRE et ses amis GUY Louis, PECH, RIGAUD, rendent coup pour coup. Il est vrai que placés sous le commandement du Sergent VENTRESQUE, il ne pouvait en etre autrement. (ce dernier qui a continué à servir dans l’armée, a eu une conduite magnifique et après avoir mérité la croix de guerre et la Médaille militaire en Indochine, a été proposé pour la Légion d’Honneur, pour fait de guerre).

Pendant les journées du 25 au 31 janvier, il semble que l’ennemi se fasse plus remuant, tous nos observateurs nous signalent des travaux, des bruits de chenilles vers Niffer, chaque matin, nous entendons, infiniment répétés, les « cocoricos » d’un coq en territoire ennemi. Ah! ce fameux coq de Niffer! En a-t-il excité des appétits! Chaque popote, chaque roulante, se promettait de l’assaisonner savoureusement après la prise du village, évidemment, les Minervois de la 5° escomptaient bien damer le pion à leurs camarades. Mais hélas, il ne fut pour aucun de nous!

Le 1er février, le Colonel BONVALLOT, commandant le Secteur « RHIN » inspecte nos positions et se montre satisfait. Ce même jour, la 5° Compagnie, à son tour, doit payer son écot à la guerre, au cours d’un bombardement par mortiers, le soldat GUILHAUMON est tué au PA2, au PA1 le soldat PEREZ qui rentrait de permission le jour même à un bras arraché et une grave blessure à la tête, il chante la chanson du MINERVOIS quand on le transporte sur un brancard et exprime le regret de ne plus pouvoir jouer au rugby (plus tard il se consacrera à l’arbitrage). Le 4 février c’est le Caporal NOZIERES qui au PA0, est tué d’une balle en pleine tête alors qu’il haranguait en allemand les soldats ennemis. En si peu de temps, les deux villages bien Minervois, Homps et Olonzac ont été endeuillés. Les camarades d’enfance des disparus, qui comme eux se sont engagé sont atterrés par ce coup du sort et leur peine est immense, les BIGOU Joseph (de la mitraille) NAVARRO, BEDOS et BOURREL de la CB tous enfants de Homps pleurent leur ami. Il en est de meme chez ceux d’Olonzac, que ce soit GALLY Roger, HURTADO, ROUDIERE, ORTEGA ou le Caporal FRANCES, tous s’empressent autour du brancard transportant PEREZ vers le poste de secours. Cependant, nous sommes des soldats et tout le monde rejoint son poste car notre tâche n’est pas terminée.

Le 6 février, c’est le 1e Bataillon qui vient nous relever Nous allons cantonner à Geispitzen (6°,7° et CB) et à Schlierbach (5° et 8°). Mais la nuit sera brève, nous apprenons que le 19° BCCP (Bataillon Colonial de Commandos Parachutistes) doit attaquer Niffer en le contournant par le sud; notre Bataillon se porte de nouveau dans la Hardt, prêt à entrer en action si le besoin s’en fait sentir. Le 7 février, à 13h00, nous sommes en place. Après une préparation d’artillerie de quelques minutes, le 19° BCCP démarre et atteint sans coup férir son objectif (Coq de Niffer….. Adieu…!).

C’est alors un repos de quelques jours, que nous mettons tout le profit pour nous débarrasser de la boue de la Hardt, et récupérer un peu de sommeil dont nous étions souvent sevrés. C’est à ce moment-là que le Capitaine AZALBERT nous quitte pour rejoindre le dépôt. Le Lieutenant DESFOURS lui succède au commandement de la 8° compagnie.

Le 18 février, des camions nous transportent jusqu’à Boofzheim où nous recevons l’ordre de relever le 3° Bataillon. Nous faisons mouvement le 20. Le PC du Bataillon et la CB s’établissent à Gerstheim, la 5° en réserve à Obenheim, la 7° au NE de Gerstheim, la 8° à Daubensand et la 6° entre ces deux dernières Compagnies.

Nous avons pour mission de nous installer sur une digue parallèle au Rhin, et située à environ 300 mètres du fleuve. Les coups de main y sont paraît-il fréquents. En effet, dès le 21 février, un avant-poste de la 8° Compagnie placé en bordure du Rhin, est attaqué : 1 tué, 1 blessé, 1 disparu.

Le 3 Mars, une patrouille ennemie d’une cinquantaine d’hommes traverse le Rhin et cerne l’Observatoire de la 7° Compagnie; un tir d’artillerie la disperse, mais le soldat VALENT est tué. Devant cette situation, le Commandant ALLAUX va se rendre compte sur place afin de prendre les mesures qui s’imposent. Je le reçois à mon PC vers les 4h00 alors que l’artillerie gronde. Il se réchauffe avec une bonne tasse de « jus » ainsi que son chauffeur SICRE, qui le suit partout.

Sur ces entrefaites, ma compagnie va relever la 8° à Daubensand. Notre séjour aux avant-postes se passe normalement, malgré les patrouilles et les coups de main ennemis, car je dispose ici d’une véritable « petite artillerie », un groupe de mortiers de 81 mm commandé par le Sous-Lieutenant BRUNO. Mes artilleurs (comme nous les appelons) le Caporal PIERROBON, FUSTE, BAILLAT, BARCELO et tous ceux qui ont déjà fait leurs preuves dans la Hardt, sont fiers de leurs pièces et les soignent amoureusement.

Ils ne passeront pas une seule nuit tranquille…..La sonnerie du téléphone me réveille en sursaut : « Allô ! Ici MAURICE (c’est l’Aspirant VAUCHER, mon mitrailleur de l’engagement de Villeneuve dans la clandestinité, et qui commande ici le poste du centre).

Une patrouille ennemie tente de traverser le bras du Rhin à 50 mètres devant nous en face du poste tenu par Cap. Chef ARQUIER. ESCANDE, TESSARO et PUEO sont au FM, GARCIA observe…….(Tiens….la fine équipe de Pépieux)…..

Je demande à MAURICE de me déterminer exactement le point.

50 mètres en avant, case 7 (c’est un schéma conventionnel que nous avons établi avec BRUNO).

Bon! prévenez vos hommes…. J’alerte la Section BRUNO et ses mortiers, et deux minutes après la patrouille est dispersée. Nous avons à déplorer deux tués : les Sergents JALADE et PEREZ.

Le calme revient et je m’allonge sur une couverture…mais pour peu de temps, car une fusillade rapprochée me fait redresser. De ma fenêtre, je m’oriente, c’est vers mon poste Nord, section du Sous-Lieutenant CIOPANI. Le voici d’ailleurs qui s’impatience. « Allo ! ici Georges….mon Capitaine, mon point d’appui est cerné, et nous recevons des pruneaux de partout. Méfiez-vous vous-même, car des fusées viennent d’être lancées tout près de votre PC à Daubensand.

Pendant cette conversation, les groupes du Sergent AMNELLA et du Sergent BERLIN sont sérieusement accrochés, les BORRUL, MIGNARD, BERTHLOTTI, VARALDA, rendent coup pour coup. GUITIEREZ (Ignace pour tout le monde) n’arrête pas de lancer des grenades. ORTEGA de Villegly, GARRABET, RIBES, ripostent à qui mieux mieux.

La section du GINESTE s’occupe de la défense rapprochée du village, enfin BRUNO et ses mortiers entrent en danse.

« Allo! Ici Georges….bravo pour les mortiers ! ils ont mis en plein dans le mil le, les boches déguerpissent mais ils ont eu de la casse, car ça gueule chez eux ! »

Puis c’est un nouveau coup de téléphone, cette fois, c’est le PC du Bataillon, je reconnais très bien la voix du Chef téléphoniste le Sergent LIENA Jean toujours sur la brèche, qui me passe le Commandant ALLAUX.

« Que se passe-t-il chez vous ? d’ici nous entendons beaucoup de bruit !

Rien de grave mon Commandant! Un petit concert nocturne que nous venons de donner aux habitants de Daubensand.

Alors,…toujours avec le sourire ?

Bien entendu…à demain mon Commandant « .

Ah, ces nuits de fièvre ! quel souvenir impérissable elles ont laissé en nous……

Mais enfin arrive le 16 mars, une belle journée pour le Bataillon, car nous percevons enfin du matériel et de l’armement; pour l’ensemble, 11 Dodge de 3 tonnes, 18 camionnettes de 1500 kgs (Bedford, Ford et Dodge) 6 chenillettes anglaises, 8 motos et 40 vélos. Comme armement, fusils anglais, mortiers de 81 Français etc…

Ce même jour, le Bataillon, relevé, part au repos à Erstein à environ 20kms de Strasbourg, et où cantonné également le PC du Régiment.

Dans la rue, je croise plusieurs de mes camarades, le Capitaine COUMES et les Lieutenants JOLY et SANNUY, encadrant un « toubib » que je ne me connais pas.

Je lui serre la main et me présente :

  • « PIQUEMAL
  • BARATI…c’est mon nom !

J’en demeure pétrifié…ce sacré BARATI, quels moments de fou rire nous a-t-il procurés!

Le 19 Mars, le Bataillon est présenté au Lieutenant-Colonel GAUVIN, qui prend le commandement en remplacement du Colonel de CHAMBRUN. Celui-ci nous a quittés et nous l’avons vu partir avec regret; cette mesure a d’ailleurs été la première d’une série qui devait saper à la base le régime FFI et essayer de détruire parmi nous cet esprit d’union et de camaraderie qui faisait notre force.

Mais le Lieutenant-Colonel BOUSQUET va-t-il donc nous quitter? Heureusement, non ; il commande toujours en second, et tous nos espoirs sont en lui.

Le 3 avril, nous sommes transportés à Gambsheim où nous relevons le 1er Bataillon du 23° RIC (Régiment d’Infanterie Coloniale).

Nous devons tenir un front de 15 kms le long du Rhin, la meilleure solution est d’occuper les localités et de les organiser en points d’appui. Le PC du Bataillon et la 6° Compagnie s’installeront à Gambsheim, la 5° à La Wantzenau, la 7° à Drusenheim, et la 8° à Offendorf.

Mais notre séjour dans ce secteur sera encore de courte durée; nous partons le 7 avril, relevés par le 2° Bataillon du 152° RI.

Enfin ! le moment est venu ! Nous franchissons la frontière à Lauterbourg….. Nous sommes en Allemagne…..

Et c’est avec joie, avec enthousiasme, que nous traversons le meme jour le vieux Rhin allemand sur un pont de bateaux à Gersmersheim.

 

Source : AD11 89W185