Procès-verbal accident mortel COSSEY Louis et COSSEY Lucienne, brigade de La Nouvelle
Ce jourd’hui 24 mars 1944 à 18h00, nous soussignés COMES Pierre maréchal des logis-chef VIDAL Henri et CROZET Roger gendarme à la résidence de La Nouvelle, département de l’Aude, revêtu de notre uniforme et conformément aux ordres de nos chefs.
A notre caserne, avons été informés par Mr GRIMAL Etienne, chef cantonnier au service des ponts et chaussées, qu’un accident dû à l’explosion d’une mine s’était produit ce jour à 14h30, au lieu-dit « les Ramandils », territoire de la commune de La Nouvelle, fait qu’il lui avait été rapporté par le sieur TORNE Joseph 50 ans ouvrier agricole à La Nouvelle, requis pour la garde de la voie ferrée, avons entendu cet homme qui a déclaré :
« Aujourd’hui 24 mars 1944, j’assurais la garde de la voie ferrée au PK 488-000, au lieu-dit Les Ramandils, commune de La Nouvelle, lorsque vers 14h30 j’ai entendu des cris d’une femme provenant d’environ 300 mètres de la voie ferrée, coté est direction de la mer.
En suivant la voie ferrée, je me suis approché de cet endroit et en même temps, j’ai aperçu une femme affolée qui m’a dit que ses 2 enfants, un garçon et une fillette avaient été tués à la suite de l’explosion d’une mine. L’endroit de l’accident se trouve en zone dangereuse et délimité par des fils de fer barbelés, je n’ai pu me rendre sur les lieux pour porter secours aux victimes.
Je me suis rendu à bicyclette à La Palme pour prévenir de cet accident, la famille et les autorités locales.
La mère des victimes m’a dit qu’elle avait pénétré dans cette zone pour ramasser de l’herbe et que ses enfants jouaient à proximité lorsque l’explosion s’est produite. Je n’ai pu obtenir des renseignements plus précis sur les causes de l’accident et ne puis préciser l’endroit exact où il s’est produit. »
Lecture faite, persiste et signe.
Après avoir avisé téléphoniquement notre Commandant de section, le Commandant de brigade a porté ces faits à la connaissance du Commandant militaire allemand de la place de La Nouvelle. Cet officier a déclaré qu’en raison du danger, il ne nous était pas possible de nous rendre sur les lieux. Seuls des pionniers spécialisés de l’armée allemande étaient habilités pour retrouver le corps des enfants qui avaient été tués au moment de l’accident. Il a ajouté que ces services avaient été avisés par ses soins et qu’une patrouille se rendrait sur les lieux dans la soirée.
Nous nous sommes ensuite rendus au poste militaire du Cap du Roc, sis à 400 mètres du lieu de l’explosion, où le Capitaine nous a fait connaitre que les pionniers avisés n’étaient pas encore arrivés.
Etat des lieux :
Le lieu-dit « Les Ramandils » est situé entre la voie ferrée et la cote, à 2.5 kms au sud de La Nouvelle. Cette zone est interdite par l’autorité militaire allemande et est délimitée par une clôture de fils de fer barbelés.
Une pancarte fixée à un piquet et placée à la bifurcation de ce chemin et de la route nationale n°=9 en indique l’interdiction qui est ainsi libellée : « ZONE MILITAIRE II. LE PASSAGE EST PERMIS SEULEMENT AUX PERSONNES QUI PRESENTERONT A LA SENTINELLE ALLEMANDE LEUR CARTE D’IDENTITE ET LA LEGIMITE DE PASSER. (LE COMMANDANT MILITAIRE). »
L’endroit où l’accident s’est produit et dont l’accès nous est formellement interdit est situé dans les champs de mines à 350 mètres à l’est de la voie ferrée, dans une propriété en bordure du chemin de Ramandils, (coté droit direction de marche voie ferrée la cote).
Renseignements divers :
A notre arrivée, plusieurs personnes présentent, nous déclarent ne pouvoir nous fournir des renseignements et etre venues sur les lieux après l’accident.
Mme COSSEY Irène, née CHAUVET, seul témoin n’a pu etre entendue en raison de son état. Elle a cependant fait connaitre que sa fillette qui l’accompagnait avait été tuée, son fils avait disparu au moment de l’explosion et n’avait pu etre retrouvé.
Cette femme a été accompagnée ensuite à son domicile sis à La Palme, où les autorités locales avaient été avisées.
A 21 heures, les spécialistes de l’armée ne s’étant présentés, une sentinelle allemande a été placée sur la voie ferrée avec mission d’interdire le passage du chemin des Ramandils.
En raison de l’heure tardive et de l’impossibilité de continuer nos investigations, nous n’avons pu instruire l’enquête.
Le 25 mars 1944 à 7 heures, nous avons entendu :
Mr ALAZET Julien, 43 ans, boulanger à La Nouvelle, qui nous a déclaré :
« Hier 24 mars 1944, j’assurais mon service de garde sur la voie ferrée au PK 487-000, au lieu-dit Les Ramandils territoire de la commune de La Nouvelle, en qualité de requis.
Vers 14h30, j’ai entendu une assez forte détonation paraissant provenir d’un ténement sis à environ 200 mètres de la voie ferrée, cote est en direction de la mer. Aussitôt j’ai entendu appeler « au secours ». interdit tout d’abord je me suis rendu sur le ponton de la voie ferrée plus proche des lieux de l’accident. Un officier allemand présent a déclaré que vu le danger encouru il était impossible de pénétrer dans le champ de mines, ce qui était formellement interdit.
Une dame habitant La Palme, présente m’a fait connaitre que ses deux enfants, un garçon et une fillette avaient été tués par l’explosion. Des dires de cette personne, la fillette avait été tuée sur le coup. Quant à son garçonnet il avait disparu.
Aussitôt Mr TORNE s’est rendu à La Palme afin d’aviser la famille ainsi que les autorités.
J’ignore comment s’est produit cet accident, mais à mon avis il est du à l’imprudence de cette mère de famille qui a pénétré en zone dangereuse délimitée par des fils de fer barbelés placés par les troupes d’opérations.
Je ne puis vous donner de plus amples renseignements. »
Lecture faite, persiste et signe.
Mr BOYER Léon, 46 ans, surveillant des ponts et chaussées à La Nouvelle, déclare :
« Hier 24 mars 1944, j’assurais la garde de la voie ferrée au PK 488, au lieu-dit Les Ramandils, lorsque à 15h50 exactement, j’ai entendu une forte détonation paraissant provenir d’un endroit situé à 300 mètres environ de la voie ferrée, (cote est direction de la mer). Une forte fumée s’est dégagée à cet endroit et j’ai conclu qu’il s’agissait de l’explosion d’une mine.
Aussitôt, j’ai entendu des cris de femme. Ne pouvant pénétrer dans ce champ de mines sans danger, j’ai attendu l’arrivée d’un officier allemand, lequel a avisé ses supérieurs.
Un moment après, cette femme a déclaré que ses deux enfants, un garçon et une fillette avaient été tués, le garçon avait parait-il disparu.
En raison des circonstances, il n’a pas été possible de porter le moindre secours aux victimes, lesquelles sont restées sur les lieux.
Le ténement miné par l’armée allemande a cet endroit est délimité par des fils de fer barbelés, mais aucune plaque indicatrice n’existe sur le chemin des Ramandils. La population civile a été prévenue à temps de l’interdiction de pénétrer en zone interdite et à mon avis cet accident est du à l’imprudence de cette mère de famille. »
Lecture faite, persiste et signe.
Mme COSSEY Irène, née CHAUVET, 42 ans, ménagère à La Palme, déclare :
« Hier 24 mars 1944 à 11 heures, je suis allée au lieu-dit « Les Ramandils », accompagné de mes deux enfants, Lucienne âgée de 14 ans et Louis âgé de 6 ans, pour y ramasser de l’herbe pour le bétail. Vers 14h45, je me trouvais dans un ténement à proximité du chemin qui dessert les propriétés où je m’étais arrêtée, mes enfants étaient à côté de moi. Mon fils Louis est allé faire ses besoins dans une cabane à proximité, puis il est revenu vers sa sœur, à ce moment une mine a explosé, dégageant une épaisse fumée. Affolée, j’ai cherché mes enfants à l’endroit où ils étaient avant l’explosion et j’ai vue ma fillette étendue à terre, ne donnant plus signe de vie, mais je n’ai pu retrouver mon garçon.
J’ai appelé « au secours » et me suis dirigée vers la voie ferrée en empruntant le chemin que j’avais pris à l’aller. J’ai fait part de mon malheur aux hommes de garde ainsi qu’à un officier allemand, lequel m’a empêché d’aller chercher mes enfants, m’assurant que des recherches allaient etre effectuées par des militaires.
Ce n’était pas la première fois que je me rendais à cet endroit et j’ignorais que ce terrain avait été miné par les troupes d’opération. Les soldats allemands m’avaient aperçue à plusieurs reprises, mais aucun d’eux ne m’a jamais interdit le passage.
Je demande à ce que des recherches minutieuses soient effectués en vue de retrouver mes enfants et leur donner une sépulture. »
Lecture faite, persiste et signe.
Mr MIGNONAC Raymond, 67 ans, président de la délégation spéciale de la commune de La Palme, déclare :
« Hier 24 mars 1944, vers 15 heures, un requis garde voie m’a annoncé que les 2 enfants de Mr COSSEY, venaient d’etre tués par l’explosion d’une mine au lieu-dit « Les Ramandils », commune de La Nouvelle.
J’ai prévenu immédiatement la famille. Etant retenu par mon service, j’ai envoyé aussitôt sur les lieux de l’accident, le garde champêtre et l’appariteur.
La population de La Palme a été prévenue en son temps du placement de ces mines et même l’année dernière un accident s’est produit à la suite de l’explosion de l’une de ces dernières. »
Lecture faite, persiste et signe.
Renseignements divers :
A 13 heures, une patrouille de pionniers allemands, commandée par un Adjudant est arrivée sur les lieux. Après de minutieuses recherches, le Commandant de cette patrouille a déclaré que les cadavres des enfants se trouvaient dans une propriété à 250 mètres (cote est de la voie ferrée, en bordure du chemin des Ramandils).
Les victimes, se trouvant entre 2 champs de mines, n’avaient pu etre approchées en raison du danger encouru. Ce sous-officier a ajouté qu’il rendrait compte à ses supérieurs, afin que des nouvelles recherches soient effectuées le plus tôt possible à l’aide d’un appareil spécial pour déceler les mines.
Ces renseignements ont été communiqués à notre Commandant de Section, à Mr le président de la délégation spéciale de la commune de La Palme, ainsi qu’aux autorités allemandes locales.
Le lieu où l’accident s’est produit est placé sous la surveillance de l’armée d’opération (poste du Cap du Roc)
Les recherches et la découverte des victimes feront l’objet d’un procès-verbal ultérieur.
Identité des victimes
COSSEY Lucienne, 13 ans, née le 14 juillet 1930 à La Palme, fille de Pierre et de CHAUVET Irène.
COSSEY Louis, 6 ans, né le 29 octobre 1937, à La Palme, fils de Pierre et de CHAUVET Irène.
Source : AD11