Procès-verbal n°=584 du 26 juillet 1944 brigade de Carcassonne LINARES Joseph mort violente.
Ce jourd hui 26 juillet 1944 à 16h00.
Nous soussigner LABADIE Jean, maréchal-des-logis, chef à la résidence de Carcassonne, département de l’Aude, revêtu de notre uniforme et conformément aux ordres de nos chefs rapportons ce qui suit :
Le 26 juillet 1944 à 08h00, avons reçu, de LINARES Antoine, 24 ans, cultivateur, domicilié à Maran comme une Cavanac la déclaration suivante :
« Hier 25 juillet courant, vers 21h00 mon frère José s’est rendu comme tous les soirs à la ferme « La Farguette » commune de Cavanac pour passer la soirée auprès de sa fiancée. « La Farguette » est située à 200 mètres environ et à l’est de Maran. Vers 00h30, 4 militaires de l’armée d’occupation sont venus frapper à la porte de mon habitation. Après avoir ouvert, un officier allemand a demandé si nous savions parler français. Sur ma réponse affirmative cet officier m’a dit que mon frère José était grièvement blessé et qu’il l’avait fait apporter avec un véhicule automobile à l’hôpital de Carcassonne. Sur ma demande, cet officier a ajouté que c’était un soldat allemand qui avait blessé mon frère avec une arme à feu, parce que ce dernier aurait donné un coup de poing à ce militaire. Ces militaires se sont retirés et en raison de leur tardive je suis allé me coucher.
Aujourd’hui ,26 juillet courant, vers 07h00, je me suis rendu à l’hôpital de Carcassonne pour prendre des nouvelles de mon frère. Hélas j’ai appris que mon frère était mort ; grièvement blessé, il a succombé pendant le trajet Maran Carcassonne. Les soldats allemands cantonnés à Maran connaissaient parfaitement mon frère, puisqu’ils sont à la campagne depuis 2 mois environ, et qu’à plusieurs reprises il l’avait rencontrée après le couvre-feu et jamais il ne lui avait rien dit »
Lecture faite, persiste et signe.
Nous nous sommes rendus sur les lieux et avons fait les constatations suivantes :
Les fermes de Maran et de La Farguette sont situés en bordure du chemin départemental n°=104 et à 6 kms au sud-est de Carcassonne. La ferme La Farguette est située à 200 mètres environ et à l’ouest de la ferme Maran ; ces 2 fermes sont situées sur le territoire de la commune de Cavanac, elles sont séparées par le chemin départemental n°=104 et le ruisseau le Théron. Un sentier servant de raccourci relie la ferme La Farguette au chemin départemental n°=104. Une passerelle en bois permet le passage du cours d’eau large de 1m50 à cet endroit.
Sur la rive droite du cours d’eau, à 3 mètres environ de la passerelle, nous constatons sur le sol la présence de tâches de sang. D’après les dires de LINARES Antoine, c’est à cet endroit que son frère José, aurait été grièvement blessé par les soldats allemands. Aucune trace de lutte n’est apparente sur le sol ni dans les environs immédiats.
Nous nous sommes livrés à une enquête et avons recueilli les renseignements suivants :
LINARES François , 56 ans, cultivateur, domicilié à la ferme Maran commune de Cavanac déclare à 11h00 :
« Hier 25 juillet courant, vers 21h00, mon fils José âgé de 30 ans, s’est rendu comme tous les soirs à la ferme La Farguette pour passer un moment auprès de sa fiancée. Vers 00h30, 4 militaires de l’armée d’occupation sont venus frapper chez moi. Après avoir ouvert, un officier allemand a demandé si nous savions parler le français, sur notre réponse affirmative, il nous a dit que mon fils José était grièvement blessé et qu’il l’avait fait apporter à l’hôpital de Carcassonne. Cet officier a ajouté que c’est un soldat allemand qu’il l’avait grièvement blessé avec son arme. Après cette communication, ces militaires se sont retirés. Vu l’heure tardive, je n’ai pu me rendre immédiatement à Carcassonne.
Aujourd’hui, 26 juillet courant, vers 07h00, j’ai envoyé mon fils Antoine à l’hôpital de Carcassonne pour prendre des nouvelles du blessé. A son retour, j’ai appris que mon fils José, avait succombé à ses blessures pendant son trajet de Maran à Carcassonne. Les fermes de Maran et de La Farguette sont séparées par une distance de 200 mètres environ ; les soldats allemands cantonnés à Maran connaissaient très bien mon fils, puisque tous les soirs il effectuait le même itinéraire pour se rendre auprès de sa fiancée. »
Lecture faite, persiste et signe.
BLAS Césarine, 19 ans, ménagère domiciliée à La Farguette commune de Cavanac déclare à 11h30 :
« Depuis la Toussaint 1943, je fréquente le nommé LINARES José. A cet effet LINARES, venait me voir la ferme presque tous les soirs.
Hier, 25 juillet courant vers 22h30, il m’a quitté pour regagner son domicile à la ferme Maran, il a emprunté le sentier pour rejoindre la route. 2 min environ après le départ de LINARES, j’ai entendu 2 coups de feu, je n’ai prêté aucune attention à cela car il arrive assez souvent d’entendre des coups de feu la nuit dans ces parages. J’ai appris la mort de mon fiancé que ce matin. J’ai été surprise car les soldats allemands le connaissaient parfaitement puisqu’ils le voyaient tous les soirs lorsqu’il venait chez moi. »
Persiste et signe.
Andrieu Julien, 32 ans, jardinier à Maran commune de Cavanac déclare à 12h00 :
« Depuis le mois d’octobre 1943 la famille LINARES réside à la campagne de Maran, territoire de la commune Cavanac. Le fils LINARES José fréquentait une jeune fille domiciliée à la ferme la Farguette. A cet effet, LINARES se rendait tous les soirs à la ferme La Farguette pour y voir sa fiancée, et tous les soirs il rentrait très tard à Maran. A plusieurs reprises les Allemands cantonnées à Maran, ont rassemblé le personnel pour le mettre en garde contre le danger qu’il courait de circuler après le couvre-feu, surtout de suivre les routes et non les sentiers. LINARES José a été mis spécialement en demeure de vouloir bien se conformer au règlement, ce dernier ne tenant aucun cas des observations faites, rentrait tous les soirs à Maran très tard.
Dans la nuit du 25 au 26 juillet courant, après avoir blessé grièvement LINARES, un sous-officier allemand m’a fait remarquer qu’il portait une blessure au nez, ce militaire m’a déclaré qu’il avait reçu un coup de poing sur la figure de la part de LINARES José et que c’était la raison pour laquelle il avait tiré sur lui. Vu l’heure tardive, je n’ai pu me rendre auprès du blessé qui a été transporté immédiatement à l’hôpital de Carcassonne. »
Lecture faite, persiste et signe.
Malgré l’audition verbale des habitants des fermes de Maran et de La Farguette, nous n’avons pu obtenir de plus amples renseignements sur cette affaire qui s’est passé en l’absence de témoin.
État civil de la victime :
LINARES José né le 23 avril 1914 à Villavorde en Espagne, fils de François et de Cano, …… nationalité espagnole, célibataire résidant en Maran commune de Cavanac, titulaire d’une carte d’identité d’étrangers du 8 décembre 1941 délivré par la préfecture des Pyrénées-Orientales prorogée jusqu’au 31 octobre 1944.
Cette pièce sera acheminée par les services de la préfecture par les soins de l’état civil de la mairie de Carcassonne. Les objets trouvés sur LINARES José ont été remis à la famille savoir : un porte-monnaie contenant 35 francs, un briquet, une montre-bracelet, un mouchoir, un peigne et un porte carte.
Copie certificat médical
je soussigné docteur OUSTRIC médecin de l’état civil déclare avoir examiné à la morgue le corps de monsieur José LINARES. La mort est due à plusieurs balles de fusil ou révolver.
Source : AD11