Maquis du Roc Blanc (AS)
Rapport de Julien DARAUD, Ex-Chef des Maquis AS de l’Aude.
Notre action a commencé en 1942, dans les cantons de Puivert et Belcaire. Le Colonel en retraite PICARD, après l’avoir contacté, a désigné comme responsables de l’action menée dans cette région de VOLONTAT, instituteur à Quillan et MAURY aujourd’hui Capitaine à la 5° Région Militaire. Ils étaient aidés de PEYRE pour Puivert et du Docteur MARTRE pour Belcaire. Il y eut de nombreux passages clandestins de frontière et des parachutages. L’action s’est éteinte par suite d’une descente de la Gestapo à Belcaire et de l’arrestation de 14 camarades (TOUSTOU, BAYLE, MAUGARD, DIEUZERE, MARTRE…) dont la plupart d’entre eux sont morts en déportation. Devant ces agissements de l’ennemi, nous sachant trahis, je mis mon réseau de renseignements en action pour connaître le nom des traîtres, ce ne fut pas long :
1°) le dénommé KROMMER alsacien Français, résidant à Carcassonne, exécuté quelques mois après l’arrestation des camarades par deux membres des groupes Francs, envoyés sur ma demande de la Région. L’exécution eut lieu dans les appartements de ce dernier, rue Georges Clémenceau, à 21 heures le 24 Février 1944 ;
2°) ROBERT résidant lui aussi dans sa famille à Carcassonne, arrêté à la Libération et condamné à perpétuité aux travaux forcés.
Tous deux donnaient leurs renseignements à BACH, Alsacien Allemand, agent de la Gestapo, arrêté et fusillé à la Libération.
A la suite de ce coup du sort, l’AS devant continuer son action et soucieuse de préserver les habitants du canton de Belcaire de représailles, je me suis décidé, en accord avec le Colonel PICARD, à créer le Maquis de Noubals, dans la commune de Rouze (canton de Quérigut). Je pris avec nous ZAUGG, Ingénieur de la Sté Méridional de Transport de Force dont je connaissais les sentiments patriotiques et qui travaillait à un barrage en construction à Noubals. Spontanément, il se mit à notre disposition dès que je lui fis part de nos intentions. Avec de VOLONTAT nous nous sommes rendus à la cantine du chantier de Noubals, pour contacter le Gérant DECUROUX et tous d’accord nous décidâmes de l’emplacement du Maquis à 2000 mètres d’altitude, entre le Roc blanc et le Roc de la Musique, exactement à proximité du ruisseau de Barbouiller. Quelques jours après je fis monter deux camarades menuisiers AZEMA Paul et FERRIE Albert de Carcassonne qui construisirent le baraquement du Maquis. A ce moment Jean GAYRAUD prit la succession du Colonel PICARD, en qualité de Chef AS de l’Aude et me nomma Chef départemental des Maquis en accord avec CHAULIAC (dit Rivière), Chef Régional AS à la R3 à Montpellier et avec l’assentiment du Général DEJUSSIEU (Pontcaral), Chef AS de la zone sud . L’arrestation de Raoul de VOLONTAT (mort en déportation) retardât notre action, ZAUGG (Sanglier) devint alors responsable AS du canton.
La déportation de nos jeunes gens au titre du travail obligatoire étant commencée nombreux d’entre eux s’adressaient aux patriotes affiliés aux mouvements de Résistance pour y échapper. Quelques amis dont ALAUX Achille de Carcassonne du mouvement DGER, MERLANE, action syndicale ouvrière, SIUPIA FTP, vinrent me contacter pour les acheminer sur le maquis. L’effectif fut alors au maximum de 30 hommes, renouvelés en raison des passages clandestins. Le ravitaillement était assuré par BEAUVIEL épicier à Carcassonne, AMIEL Louis (beurres et fromages), son transport à pied d’œuvre par Pierre BONNET, Tripier à Carcassonne, DECUROUX réceptionnait les vivres à la cantine du chantier de Noubals, il faisait la distribution aux hommes désignés par le chef de camp VIBES actuellement Adjudant à Limoges. Les soins médicaux étaient dispensés par le docteur MARROT de Quérigut. Ainsi, à partir d’avril 1943, les jeunes gens traqués étaient dirigés sur l’Espagne par l’Andorre. Ils étaient systématiquement arrêtés par les autorités espagnoles. J’ai appris par la suite que Monseigneur BOYERMAS, nonce apostolique à l’Ambassade de France à Madrid, obtenait leur libération et les faisait rejoindre les FFL. Le maquis fut dissous en Septembre 1943, à la suite de l’arrestation d’une de nos équipes de passeurs, 4 hommes du maquis qui étaient : les frères TICHADOU étudiants résidant à Quérigut, SUTRA monteur des PTT à Narbonne, VIBES de Carcassonne, ainsi qu’un Inspecteur de l’AS. en mission professeur à Sète. Tous furent déportés. J’acheminai alors le reste de l’effectif de ce maquis dans celui nouvellement créé à Trassanel qui devint par la suite le Maquis du Minervois aux ordres du Colonel BOUSQUET plus tard nommé Général Commandant la Subdivision Militaire de la 5è Région récemment décédé.
Dans le canton de Quérigut ZAUGG, Michel CASTILLA de Mijanès, BRUSTIER Claude … continuèrent l’action de l’AS dans cette région.
Source : MDH
Rapport de l’Adjudant BAILLAT, Commandant la Brigade sur le Maquis de passage du Roc Blanc (Quillan, le 21 Mars 1956).
Des renseignements recueillis auprès de LAJOU Marcel et Chef « BAYARD », du secteur de l’AS Quillan et sa région Secteur J. seule personne ayant pu donner des renseignements il résulte ce qui suit :
A l’arrestation par la Gestapo de Raoul de-VOLONTAT, instituteur à Quillan, mort en déportation le Commandant LAJOU fut nommé Chef du Secteur précité en janvier 1944.
Il affirme qu’il existait à Quérigut une formation de résistance dont il ne peut assurer qu’elle portait le vocable de « Maquis du Roc Blanc ».
Cette formation travaillait en marge du mouvement AS c’est-à-dire ayant une mission qui la rattachait, si ses souvenirs sont exacts, au DGR qui n’était pas sous ordres du Chef Départemental AS.
Les contacts personnels que le Commandant LAJOU a eu avec cet organisme eurent lieu avec BRUSTIER Gérard, (pseudo Lieutenant CLAUDE), actuellement Inspecteur des Contributions Directes à Céret et le Capitaine ANDRE dont il ignore le nom réel, ANDRE étant un pseudo et un Lieutenant de gendarmerie dont le nom à l’heure actuelle ne lui est plus présent à la mémoire. Le Capitaine ANDRE réside à Toulouse dont LAJOU ne connait pas son adresse. BRUSTIER déjà nommé peut-être en mesure de la connaitre ainsi que celle de l’Officier de Gendarmerie.
C’est en effet un cantinier du barrage de Noubals, DELCUROUX qui ravitaillait en partie ce groupement. M. DELCUROUX est décédé il y a deux ans.
LAJOU déclare que le docteur était non de Belcaire mais habitait Quérigut. Le docteur MAROT, actuellement si les souvenirs de LAJOU sont exacts serait Docteur à Marseille.
Ce groupement relié par TSF aux Forces Libres était en contact avec le Maquis de Picaussel auquel LAJOU était immatriculé et dont il était en relation étroite avec le Chef « FRANK » instituteur actuellement Capitaine MAURY Lucien qui était tout dernièrement affecté à l’Etat-Major de la 5e Région à Toulouse. Par la suite en 1944, le maquis de Picaussel attaqué par les Allemands se retira également à Quérigut.
Le Capitaine MAURY, semble donc puisque à ce moment-là il vécut tout près du maquis recherché pour homologation tout indiqué pour donner des renseignements plus complets.
D’autre part LAJOU déclare que ZAUG, alias « Le SANGLIER » ingénieur à la Société Méridionale de Transports de Force en retraite à Mijanès, peut également et fort probablement étant lui-même Chef AS de la Région d’où dépendait le barrage de Noubals avoir été en relation suivie avec le Maquis du Roc-Blanc.
LAJOU ajoute qu’il poursuit auprès de ses camarades du moment la recherche d’éléments nouveaux sur l’activité de ce maquis pour etre ultérieurement le cas échéant en même de recueillir des renseignements plus largement.
Souce : MDH
OBJET : Homologation du maquis de passage du Roc Blanc (Château de Vincennes, le 22 Février 1946.)
Dans la liste des formations de résistance, homologuée par la Commission Nationale compétente, il apparaît qu’un maquis de passage spécialisé a été omis de la liste des unités de la 5ème Région Militaire.
Ce maquis qui fut organisé en Juin 1943 était situé entre Belcaire et Quérigut, aux confins de l’Aude et des Pyrénées Orientales, non loin d’un barrage en construction : il était ravitaillé par le cantinier de l’entreprise. Les responsables locaux qui pourraient éventuellement fournir tous renseignements à ce sujet étaient à l’époque un instituteur de Quillan et un médecin de Belcaire.
Ce maquis avait reçu pour mission du chef régional VILLARS d’effectuer des passages en Espagne soit par le col des Trois Bornes (frontière Hispano-Andorrane) soit par la chapelle de Nuria.
Au retour d’une de ces missions, trois des guides (dont deux frères) devaient être arrêtés sur dénonciation d’un berger et dirigés sur Ax-les-Thermes et de là sur Toulouse.
Il serait du plus haut intérêt d’établir l’historique de ce maquis dont l’effectif ne dépassa jamais 20 hommes, afin de donner satisfaction aux ressortissants de cette formation qui pourraient revendiquer leur droit.
Le Lieutenant-Colonel PAVELET du Service Historique de l’Armée Château de Vincennes à Mr le Général Commandant la 5ème Région Militaire (à l’attention du Général FAUCONNIER).
Source : MDH
Procès-verbal, renseignements militaires.
Audition BRUSTIER Gérard, homologation maquis de passage du Roc Blanc.
Brigade de Céret
Ce jourd’hui, 24 avril 1956.
Nous, soussigné BOULBES Noël Adjudant,
Commandant les brigades de Céret, département des Pyrénées-Orientales, rapportons les opérations suivantes que nous avons effectuées agissant en uniforme et conformément aux ordres de nos chefs.
Ce même jour, à 11h30, à notre caserne, agissant en vertu d’une demande de renseignements émanant de Mr le Général Commandant la 5e Région Militaire à Toulouse (N°8239/CH/FFCI en date du 3 Avril 1956 (transmission Section N°2456/3 du 4 Avril 1956), concernant Mr BRUSTIER Gérard, Inspecteur des Contributions Indirectes à Céret, ayant demandé son homologation d’appartenance au Maquis de passage du Roc Blanc, avons effectué l’audition du susnommé.
Déclaration
BRUSTIER Gérard, 35 ans, Inspecteur des Contributions Indirectes à Céret :
« A l’origine, au début de Juin 1943, le Maquis du Roc-Blanc a été composé de quelques jeunes gens au nombre de 5 ou 6 qui ont pris contact à la cantine de » Noubals, où ils étaient venus se ravitailler. Autant que mes souvenirs soient exacts, il y avait 3 Carcassonnais Jean GARDEILLE dont le père gérait le Moulin du ROI, Lucien BONNET, boucher, un certain Emile fils d’épicier, un étudiant de Bordeaux, Pierre BOSC et moi-même.
Assez rapidement et après la construction de cabanes au lieu-dit « Barbouillères », dans une vallée qui descend du Roc Blanc, le maquis grossit en effectif pour atteindre, fin Août, de 40 à 45 unité. Parmi les recrues les plus intéressantes, se trouvaient les frères TICHADOU de Quérigut. Le ravitaillement était monté tous les jours, de la cantine de Noubals, tenue par DECOURROUX. Il provenait d’une organisation de résistance de Carcassonne, dans laquelle figurait un dentiste dont j’ai oublié le nom, Mr DARRAUX… Il se composait uniquement de pâtes alimentaires , marque « Rivoire et Carré » et de matière grasse.
Le maquis recevait également la visite de ZOG, Ingénieur au barrage de Rouze dont dépendait la cantine de Noubals. Enfin, le Docteur MARROT de Quérigut, venait très fréquemment et, en plus des soins qu’il donnait, nous était d’un grand secours à cause de ses qualités morales et de la confiance qu’il inspirait à tous. De temps en temps, nous avions la visite de personnalités de la Résistance qui venaient passer l’après-midi. Je me souviens en particulier, de la visite de Raoul de VOLONTAT.
C’est vers le mois d’août, qu’ont commencé les passages. Ils étaient accompagnés par 4 ou 5 d’entre nous, prenaient comme itinéraire La Porteille du Lamenty, la Cabane du Club Alpin Français, au-dessus de l’Etang d’Embeills, le pied du Carlitte, la Traverse de la Route Nationale Ax-les-Thermes-Puymorens, au-dessous de l’embranchement qui va au Pas de la Case, puis l’Andorre par Soldeu.
Ces passages qui comprenaient de 15 à 18 personnes, se composaient principalement d’officiers, de polytechniciens, de juifs et, parfois, d’éléments de notre propre maquis, soit des volontaires, soit d’éléments jugés indésirables et dont, ainsi, on se débarrassait. Ces passages furent arrêtés fin septembre 1943, dans les circonstances suivantes. L’équipe de passeurs se composait ce jour-là d’EMILE, susnommé, des frères TICHADOU, d’un certain Lucien, employé des PTT. à Béziers. A ceux-ci, s’étaient joint un Capitaine de la Résistance dit « René » dans le civil, professeur de philosophie, qui étaient venu se rendre compte de la bonne marche du maquis et des passages, et avaient tenu à faire l’expérience d’un voyage. L’aller s’est effectué normalement, mais au retour, une tempête de neige précoce est survenue. L’équipe qui devait partir du camp, pour apporter le ravitaillement aux passeurs, sur le chemin de retour, n’a pu remplir la mission. Aussi, les passeurs diminués par la fatigue et la faim, se sont fait prendre par une patrouille d’Allemands. De là, Ax-les-Thermes, Compiègne, les Camps de concentration où mourut le Capitaine « René ». Les frères TICHADOU, eux, réussirent à s’évader du convoi qui les menait de Compiègne en Allemagne et purent revenir à Quérigut.
L’arrivée du mauvais temps et surtout le fait que le Capitaine « René » portait sur lui, le plan du Camp et des renseignements au moment de son arrestation, compromettant tous les participants ont déterminé l’arrêt des passages et la dispersion du maquis. C’est à ce moment-là, que j’ai pris la direction de 7 à 8 camarades et que nous nous sommes installés dans le village de Campagna de Sault, toujours en liaison avec le Docteur MARROT, pour y passer l’hiver. Au printemps, a eu lieu, par Campagna, Mijanès, le dernier passage auquel j’ai assisté. Il s’agissait d’une douzaine d’Officiers de marine. Sur le nombre, deux ont fait marche arrière et sont repartis sur Paris.
Enfin, au mois de juin, la région a retrouvé son activité par la venue du Groupe MORANGE, qui, à la suite de l’arrestation de son chef, est venu se réfugier dans le massif du Roc-Blanc au lieu-dit « Le Fourmet », toujours avec l’aide du Docteur MARROT. Dirigeait le Groupe, le Capitaine « André » de son vrai nom « FONTEIX », ancien coureur automobile et habitant Toulouse. Ce même maquis, recueillit le maquis de Picaussel, lorsque celui-ci fût attaqué par les Allemands.
A la libération, l’ensemble se dispersa, soit vers Toulouse, soit vers Carcassonne, soit vers Perpignan, au 21 Avenue de la gare, service DGER sous la direction du Capitaine « Rivière », actuellement Inspecteur des Finances. C’est à ce dernier service, que j’ai terminé mes services dans la résistance.
Je signale une erreur dans le dossier. Il y est dit « BRUSTIER Gérard » (pseudo « Lieutenant Claude ») il faut lire « pseudo » Lieutenant Gérard. Cette erreur est sans importance, puisque je n’ai pas demandé d’homologation et qu’il ne m’a pas encore été possible d’obtenir encore ma moindre carte de résistance.
Fait et clos à Céret le 26 Avril 1956.
Source : MDH